lundi 19 octobre 2009

Au Gabon, sous l'ombre pesante du père, le "sacre" d'Ali Bongo


 Entre Bongo père et Bongo fils, la boucle est bouclée. Face à l'océan Atlantique, dans l'immense salle des banquets marbrée du palais présidentiel de Libreville où reposait la dépouille de son père en juin, Ali Bongo a prêté serment, vendredi 16 octobre, devant une dizaine de chefs d'Etat africains. Parmi les nombreux invités avaient pris place Alain Joyandet, secrétaire d'Etat français à la coopération, et André Parant, le nouveau "Monsieur Afrique" de l'Elysée. Robert Bourgi, le sulfureux intermédiaire de Nicolas Sarkozy, avait fait, lui aussi, le voyage de Libreville pour saluer son "ami Ali". Mais il ne figurait pas parmi la délégation officielle française.

Femmes vêtues de boubous frappés du portrait d'Ali Bongo, musique militaire, interminable lecture de la décision de la Cour constitutionnelle rejetant le recours de l'opposition contre l'élection du 30 août : aucun symbole, aucune marque de solennité n'ont été négligés pour donner la pompe nécessaire à cet événement rarissime : l'intronisation d'un nouveau président au Gabon, le troisième, quarante-neuf ans après l'indépendance.
Souriant, Bongo fils trônait sur un fauteuil doré devant un chiffre "9" géant (pour "neuf"), le logo de sa campagne électorale destiné à évoquer le renouveau qu'il entend incarner. Le président tout neuf a placé la barre haut : "Je veux un Gabon exempt de corruption et d'injustice ", a-t-il proclamé en promettant "un juste partage des richesses" et même la garantie du "pluralisme de pensée et de la liberté d'expression". Plus précis, le président de l'Assemblée nationale, Guy Nzouba-Ndama, a appelé à "éradiquer les mauvaises habitudes qui gangrènent le fonctionnement de l'Etat : le favoritisme, la corruption et le détournement des deniers publics en toute impunité".


Mais l'ombre pesante d'Omar Bongo planait sur la cérémonie. "Celui qui suit la trace d'un éléphant n'a pas à craindre la rosée ", a résumé M. Nzouba-Ndama. Et lorsque, manifestement privé du dernier feuillet de son discours, Ali Bongo a improvisé sa conclusion, c'est encore à son père, "cet être cher qui nous a laissé un pays en paix", qu'il s'est raccroché.

Chacun attend désormais les signes de la rupture promise. La reconduction du premier ministre de la transition, annoncée vendredi soir, semble déjà contrarier cette attente. Elle devrait être complétée par la nomination d'un gouvernement plus resserré que du temps d'Omar Bongo (29 membres contre une quarantaine), auquel devraient participer quelques opposants. Ni Pierre Mamboudou, ni André Mba Obame - en grève de la faim pour dénoncer le "putsch électoral" -, principaux adversaires d'Ali Bongo, absents de la cérémonie, n'ont réussi à gâcher la fête. Sur le boulevard du bord de mer, humides de bruine tropicale, les innombrables affiches de la campagne d'"Ali 9" ont laissé la place à autant de portraits du nouveau président Bongo en costume sombre, frappés de trois mots qui closent définitivement toute controverse : "Merci à tous ! "
Philippe Bernard (Libreville, envoyé spécial)

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