Jacques Chirac a été renvoyé en correctionnelle pour "abus de confiance et détournement de fonds publics" dans un dossier visant des emplois présumés fictifs à son cabinet de maire de Paris en 1994 et 1995, apprend-on de source judiciaire.
Contre l'avis du procureur qui demandait un non-lieu, la juge d'instruction Xavière Simeoni a estimé que les charges étaient suffisantes pour un procès de l'ex-chef de l'Etat. Elle a toutefois rendu un non-lieu sur une partie des faits antérieure à 1994, qu'elle juge prescrits.
C'est la première fois qu'un ancien chef d'Etat est renvoyé devant un tribunal sous la Ve République. Le bureau de Jacques Chirac a immédiatement réagi en faisant savoir que l'ex-président était "décidé à établir qu'aucun des emplois en débat ne constitue un emploi fictif".
L'ordonnance le contraint en principe à s'expliquer devant le tribunal de Paris pour une vingtaine d'emplois qui auraient profité à des militants ou élus de son parti, ou à des proches, mais le procureur a la possibilité de faire appel.
Il renverrait ainsi l'examen de l'affaire à la chambre de l'instruction de Paris, dans un délai probable de six mois à un an. Jacques Chirac, âgé de 76 ans, a été maire de Paris de 1977 à 1995 puis chef de l'Etat de 1995 à 2007.
Sont également renvoyés en correctionnelle avec lui deux de ses anciens directeurs de cabinet, Michel Roussin et Rémy Chardon, ainsi que sept bénéficiaires d'emplois présumés fictifs.
Parmi ces derniers, figure François Debré, frère de l'actuel président du Conseil constitutionnel, l'ancien patron du syndicat Force ouvrière Marc Blondel et Jean de Gaulle, petit-fils du fondateur de la Ve République.
Deux autres anciens directeurs de cabinet de Jacques Chirac, Robert Pandraud et Daniel Naftalski bénéficient d'un non-lieu en raison de la prescription des faits.
IMMUNITÉ PÉNALE PENDANT 12 ANS
Mis en examen en novembre 2007, après son départ de l'Elysée où il a bénéficié d'une immunité pénale pendant 12 ans, Jacques Chirac a dit à la juge Simeoni à l'instruction qu'il assumait la responsabilité des embauches litigieuses à son cabinet de maire, tout en niant toute malversation.
Cette décision marque un point d'orgue de 15 années d'affaires politico-judiciaires visant les mandats de maire de Paris (1977-1995) de Jacques Chirac, qui ont vu beaucoup de ses proches condamnés, emprisonnés ou déclarés inéligibles.
Jacques Chirac n'a pas pu être interrogé, même comme témoin, et il s'est défendu publiquement d'implication dans ces affaires, les qualifiant "d'abracadabrantesques" dans une formule devenue culte, ou annonçant qu'elles feraient "pschitt".
Depuis qu'il a quitté l'Elysée et la vie publique, l'ancien président, âgé de 76 ans, rédige ses mémoires dont le premier tome est attendu prochainement et se consacre à une fondation dédiée au "dialogue des cultures". Xavière Simeoni est la seule à lui avoir demandé des comptes, en le mettant en examen, avant de l'interroger longuement à plusieurs reprises.
Les faits sont reconnus par plusieurs bénéficiaires, qui ont déclaré n'avoir pas réellement travaillé. Jacques Chirac a affirmé ne pas se souvenir de certains cas mais a admis que certaines personnes avaient été salariées par la Ville de Paris pour lui permettre d'exercer conjointement ses divers mandats et responsabilités.
Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse
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