Depuis le couronnement le 16 octobre dernier de Bongo 2nd , on assiste à un grand « remue ménage » dans la haute administration gabonaise ainsi que dans les directions des entreprises publiques et parapubliques. Les cadres de la République ayant co-dirigé le pays pendant les 41 ans de règne de Bongo 1er sont aujourd’hui invités à passer la main à la nouvelle « caste montante » appelé par Bongo 2nd à co-diriger le Gabon pour les 27 prochaines années.
Même si l’instigateur des changements en cours dans les cercles de pouvoir gabonais n’est pas le président choisi démocratiquement par le peuple gabonais, nous ne pouvons que saluer cette initiative de confier la gestion de l’administration gabonaise à de nouvelles personnalités (dont 70% étaient jusque là inconnues du grand public).
Cependant sans remettre en cause l’intérêt pour le Gabon de se doter d’une administration saine et efficiente, l’on est en droit de s’interroger non pas sur le caractère inédit de ces nomination, mais sur les motivations sous jacentes qui sont à l’origine de ce que la presse locale qualifie de « tsunami administratif ».
En effet, j’ai noté pêle-mêle, les trois questions suivantes : Premièrement, qu’entend-on par hiérarques de l’ancien régime? Deuxièmement, peut-on véritablement considérer les récentes nominations dans la haute administration gabonaise comme un signe véritable de rupture avec les mœurs de la gouvernance de l’ancien régime ?
Autrement dit, peut-on vraiment croire à un changement de culture et de mentalité dans la gestion de la chose publique au Gabon ou s’agit-il d’un simple miroir aux alouettes pour calmer un peuple gabonais désabusé ?
Qu’est-ce qu’un hiérarque de l’ancien régime?
A mon sens, un hiérarque de l’ancien régime, ce ni plus ni moins qu’un des nombreux roitelets du Gabon. C’est tous ceux qui ont très grassement profités des richesses du Gabon. C’est aussi tous ceux qui à travers leurs fonctions ont constitué et amassé des fortunes personnelles sans incommensurable. Le hiérarque de l’ancien régime, c’est quelqu’un qui devait son rang et sa fonction, directement ou indirectement au pouvoir PDG symbolisé par le feu président Bongo. On pourrait distinguer plusieurs niveaux de hiérarque avec différents degrés de pouvoir en fonction de la proximité avec Bongo 1er, la plus haute autorité de l’Etat.
La notion d’ancien régime est faite par comparaison avec le nouveau pouvoir incarné par Mr Bongo 2nd qui il faut le rappeler a été au regard de son parcours politique depuis 1981 jusqu’en octobre 2009, un membre important de cet ancien régime que tous dénoncent unanimement aujourd’hui. Mr Bongo 2nd a donc occupé successivement différentes fonctions politique comme indiqué ci-après :
1981 : il intègre le PDG,
1983 : il est élu au Comité Central du PDG,
1984 : il devient le Représentant Personnel de son père au Bureau Politique du PDG,
1986 : il est élu membre du Bureau Politique du PDG,
1989-1991 : il est ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération,
1999-2009 : il est Ministre de la Défense Nationale,
Autrement dit, les 28 années passées comme haut responsable du parti au pouvoir (PDG) dont 12 années comme ministre (défense nationale + affaires étrangères) font bel et bien de Mr Bongo 2nd , un hiérarque de plein droit de l’ancien régime.
Véritable rupture avec les mœurs de la gouvernance de l’ancien régime ou s’agit-il d’un autre miroir aux alouettes ?
Si l’on ne peut dissocier le rôle de Mr Bongo 2nd du bilan des 41 ans de pouvoir de son défunt père, on peut donc à juste titre se demander comment un individu ayant participé à la gabegie qui règne au sein de l’administration publique gabonaise, à différents niveaux durant 28 ans, peut aujourd’hui prétendre être animé d’une volonté de rupture avec les mœurs de gouvernance de l’ancien régime ? A supposer que l’héritier naturel du Gabon ait une once de sincérité, il est difficile de croire qu’il scierait la branche sur laquelle il est lui-même assis !!!
Il ne faut en effet pas se tromper sur les véritables intentions de la nouvelle équipe en place au Gabon. Nous assistons à un cocktail de petits évènements à la marge qui ne semblent pas adjoints à une démarche générale claire et cohérente. A titre de comparaison, nous assistons au Gabon à une personnification «encore plus accentuée » du pouvoir présidentielle façon Nicolas SARKOZY. Ainsi à coup de tapages médiatiques ici et là, le nouveau président a toutes les casquettes : chef de l’Etat, chef suprême des armées, 1er ministre, ministre de la défense, …etc. Pour illustrer cette « omni présidence », on peut citer par exemple l’interdiction unilatérale de l’exportation des grumes de bois à compter de 2010 sans concertation ni préparation préalables. Puis l’annonce par le gouvernement gabonais de mesures d’indemnisation pour compenser le manque à gagner des entreprises de la filière Bois sans pouvoir dire où sera trouvé l'argent pour assurer les indemnisations promises par Mr Bongo 2nd. En France, le président SARKOZY avait donné ce même sentiment d’improvisation lorsqu’il avait annoncé la suppression totale de la publicité entre 20h et 6h sur les chaînes publiques sans dire comment ce manque à gagner serait compensé. (Idem pour la suppression de la taxe professionnelle).
Il faut donc voir dans les pseudos changements que l’on observe dans la haute administration gabonaise, de simples tentatives de diversion de la part du nouveau « ancien » pouvoir. On peut résumer cette attitude par : « on change les hommes et on recommence ». Autrement dit, cela revient à dire que l’on change les hommes sans pour autant changer de stratégie ou de mode fonctionnement :
Avant l’investiture de Bongo 2nd : utilisation des moyens de l’Etat pour faire campagne comme la RTG1, RTG2 par exemple, utilisation de l’argent de l’Etat, confiscation des lieux de rassemblements, achats d’électeurs, déplacement de populations pour meeting, distribution de fausses cartes d’électeur à des non gabonais, fraude massive, coup d’Etat électoral et constitutionnel comme en 1993, 1998 ou en 2005.
Après l’investiture de Bongo 2nd : favoritisme dans toutes les récentes nominations, maintien de la géopolitique, débauchage d’opposants, intimidation, Etat policier et militaire, interdiction de parutions de plusieurs journaux, restriction du droit syndical et violations des libertés individuelles et collectives, muselage de la presse, …
Hier, le haut fonctionnaire gabonais de l’ancien régime devait sa nomination au feu Président Bongo 1er, aujourd’hui le haut fonctionnaire gabonais du nouveau « ancien » régime doit sa nomination au Roi Bongo 2nd. La grande différence ici réside dans le changement de « tête » au somment de l’Etat, ça s’arrête là !!! Les règles de valeurs restent inchangées. Le mode de désignation du haut fonctionnaire reste lié à son appartenance à un clan, à une famille, à une ethnie, à une famille politique ou à une société secrète donnée. A ceux qui se prenaient à rêver de voir « The right man in the right place », je vous invite comme moi à patienter jusqu’en 2030. Autrement dit, l’heure de la nomination de hauts fonctionnaires et de dirigeants d’entreprises publiques et parapubliques au mérite, selon leurs compétences, n’est pas encore arrivée au Gabon.
Même s’il est difficile de dire aujourd’hui que les changements dans la haute administration n’apporteront dans le fond aucun des effets bénéfiques escomptés. Nous pouvons nous risquer à dire que ces nominations ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Le nouveau régime change certains hommes car il ne peut pas changer tout le système. Changer tout le système laissé en place par Bongo 1er reviendrait pour Bongo 2nd à se tirer une balle dans le pied. En effet, que serait le nouveau roi du Gabon sans l’appui des réseaux affairistes français, sans le soutien de l’Elysée, sans la complicité de la Cour Constitutionnelle Gabonaise et sans les barons du PDG tous issus de l’ancien régime ?
Publié le 1er décembre 2009 Auteur : Peuple Libre Source : www.peuplelibre.blogspot.com
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